L’équilibre entre mécanique et ressenti

Putting : le difficile équilibre entre mécanique et ressenti.

Lorsque j’observe les joueurs à l’entraînement sur un puttinggreen, ou avant le départ d’un tournoi, ou lorsque je vois les leçons données, je suis frappé par le caractère mécanique de l’entraînement qui tranche avec ce que l’on pouvait observer il y a 30 ans, 20 ans ou même encore 10 ans en arrière.
Le temps consacré à l’entraînement « mécanique » a pris la part la plus importante ces dernières années, Un phénomène sans doute lié à l’émergence des nouvelles technologies qui rend possible l’évaluation dynamique du coup : mesures du contact, de l’angle de frappe, de l’orientation de la face, du chemin de la tête du putter, du plan du manche, de la vitesse, etc.
Des données chiffrées qui ont amené les joueurs à contrôler leur putter et leur « mécanique » et à rentrer dans un travail de répétition du stroke, comme en témoignent tous les outils de contrôle utilisés sur le puttinggreen pour déplacer le putter dans le bon « arc », avec la bonne orientation de la face dans son déplacement. Un travail de contrôle visuel du stroke qui domine l’entraînement aujourd’hui : répéter inlassablement le même déplacement du putter, au détriment parfois des autres habiletés du putting.

Mais lorsque j’observe les meilleurs joueurs, je vois qu’ils réalisent rarement deux fois le même stroke en terme de chemin, de rotation de face, d’angle de frappe, de tempo, de pic de vitesse... À partir de là, soit je me dit « ils sont tous mauvais et incapables de réaliser le bon stroke sans support pour le contact, l’arc etc » soit je me dit « s’il y a autant de variations entre les joueurs et pour un même joueur dans la gestion du stroke, c’est qu’il y a une raison ».

La raison nous la voyons tous à chaque fois qu’un champion performe sur les greens : il s’adapte et s’ajuste à chaque putt pour produire sa réponse. Cette capacité à « ressentir » pour s’ajuster est le premier dénominateur commun des joueurs aux performances les plus élevées et régulières sur les greens.

Il y a donc une sorte de paradoxe entre l’entraînement mécanique à répéter un seul et même geste avec les mêmes caractéristiques dynamiques et la performance qui démontre une variabilité mécanique mais aussi gestuelle évidente.

Pour comprendre ce paradoxe il faut se plonger un instant dans l’analyse de la performance d’un point de vue psychomoteur. La performance est le résultat d’un processus de traitement de l’information qui tient compte du ressenti du joueur à un moment donné pour trouver la bonne combinaison de vitesse et d’orientation dans une certaine visée. Pour prendre un exemple concret, un joueur peut parfaitement en fonction de ses ressources du moment ressentir une visée à droite du point qu’il faudrait théoriquement viser en modifiant son stroke et rentrer le putt. Des processus identiques de compensation existent aussi dans la gestion des pentes par rapport à un ressenti de vitesse, le joueur ne prend pas la « bonne ligne » mais le putt rentre.

Le « ressenti » est plus fort que la « mécanique » car le cerveau analyse que c’est cette solution là qui est la plus performante en fonction des ressources du joueur à ce moment-là pour réussir.

Les mêmes fluctuations existent dans le déclenchement et le déroulement du mouvement, tel muscle, telle articulation, tel segment du corps...

On peut comprendre la tentation de chercher à réduire les fluctuations d’ordre mécanique ou gestuel, souvent avec le support technologique pour imposer tel cheminement du putter, tel arc, tel plan, tel angle de frappe, mais aussi tel muscle, tel mouvement.. et répéter le plus possible pour automatiser la réponse.

Mais on peut aussi accepter les fluctuations pour les rendre conscientes, dans une approche basée sur un apprentissage des perceptions. Une démarche à première vue plus compliquée mais qui avec les bons outils s’avère incontournable car obéissant à la nature humaine et qui favorise ce qu’on appelle le feedback, ou le retour d’information. Ce que les chercheurs en neuroscience appellent parfois l’apprentissage différentiel. Pour faire simple, le cerveau ne peut percevoir une information qu’à partir d’une différence. Ce n’est plus la répétition qui a de la valeur, mais l’ajustement à un ressenti.

On observe que l’état cérébral lié à un apprentissage différentiel et donc perceptif est très proche de celui atteint par des personnes avancées en pratique méditative. En d’autres termes, on apprend à rester dans l’instant présent, caractéristique souvent avancée par des joueurs comme déterminante sur les greens, sans attente particulière du résultat autre que de suivre son ressenti. Plus de perturbations liées à des considérations mécaniques, mais une attitude d’acceptation qui renforce le processus perceptif.

On a tendance à penser aujourd’hui que la seule mécanique parfaite permet d’expliquer et de créer la performance sur les greens. Il ne s’agit pas de dire ici que l’entraînement à la répétition mécanique ou gestuelle n’est pas utile, mais de rappeler que ce qui est faux d’un point de vue mécanique est parfois la réponse la plus cohérente d’un point de vue perceptif. Et voilà qui vient tout compliquer, l’entraînement ne peut pas se résumer à des corrections mécaniques les plus justes soient elles. La performance est le résultat d’un apprentissage beaucoup plus large dans lequel les perceptions jouent une part essentielle pour développer une « mécanique du ressenti », véritable dénominateur commun des meilleurs joueurs de l’histoire sur les greens.

LJ a écrit:Le « ressenti » est plus fort que la « mécanique » car le cerveau analyse que c’est cette solution là qui est la plus performante en fonction des ressources du joueur à ce moment-là pour réussir.

Je crois en cela même dans les autres secteurs du jeu.
C'est ce qui explique en grande partie le fait que je ne me suis jamais réellement fait suivre par un pro enseignant car j'ai toujours eu la crainte d'être enfermé dans un "modèle technique".

Naturo a écrit:... j'ai toujours eu la crainte d'être enfermé dans un "modèle technique".

Mais en même temps tu te prives peut être de bases plus saines et de corrections que, seul, tu mettras plus de temps à faire.

Quant au message de Laurent : Action type évoque les changements de profil qui peuvent intervenir au cours d'une partie. J'aime beaucoup l'expression "mécanique du ressenti" pour ce qu'elle a de paradoxal.

Folgan a écrit:

Naturo a écrit:... j'ai toujours eu la crainte d'être enfermé dans un "modèle technique".

Mais en même temps tu te prives peut être de bases plus saines et de corrections que, seul, tu mettras plus de temps à faire.
Quant au message de Laurent : Action type évoque les changements de profil qui peuvent intervenir au cours d'une partie. J'aime beaucoup l'expression "mécanique du ressenti" pour ce qu'elle a de paradoxal.

Il y a des chances mais si le pro ne m'explique pas comment, tout en ayant des repères/bases, je peux me permettre de démarrer en armant les poignets, fléchissant le bars gauche, ou que sais-je encore, ... et bien une fois sur le terrain c'est la cata.
Car comme tu le rappelles, pendant 18 trous, on change profile.
Et pour ma part, à la louche, je dirais que ça me coûte 3/4 coups à chaque saut de profile.

LJ a écrit:Pour comprendre ce paradoxe il faut se plonger un instant dans l’analyse de la performance d’un point de vue psychomoteur. La performance est le résultat d’un processus de traitement de l’information qui tient compte du ressenti du joueur à un moment donné pour trouver la bonne combinaison de vitesse et d’orientation dans une certaine visée. Pour prendre un exemple concret, un joueur peut parfaitement en fonction de ses ressources du moment ressentir une visée à droite du point qu’il faudrait théoriquement viser en modifiant son stroke et rentrer le putt. Des processus identiques de compensation existent aussi dans la gestion des pentes par rapport à un ressenti de vitesse, le joueur ne prend pas la « bonne ligne » mais le putt rentre.

Le « ressenti » est plus fort que la « mécanique » car le cerveau analyse que c’est cette solution là qui est la plus performante en fonction des ressources du joueur à ce moment-là pour réussir.

Les mêmes fluctuations existent dans le déclenchement et le déroulement du mouvement, tel muscle, telle articulation, tel segment du corps...

On peut comprendre la tentation de chercher à réduire les fluctuations d’ordre mécanique ou gestuel, souvent avec le support technologique pour imposer tel cheminement du putter, tel arc, tel plan, tel angle de frappe, mais aussi tel muscle, tel mouvement.. et répéter le plus possible pour automatiser la réponse.

Mais on peut aussi accepter les fluctuations pour les rendre conscientes, dans une approche basée sur un apprentissage des perceptions. Une démarche à première vue plus compliquée mais qui avec les bons outils s’avère incontournable car obéissant à la nature humaine et qui favorise ce qu’on appelle le feedback, ou le retour d’information. Ce que les chercheurs en neuroscience appellent parfois l’apprentissage différentiel. Pour faire simple, le cerveau ne peut percevoir une information qu’à partir d’une différence. Ce n’est plus la répétition qui a de la valeur, mais l’ajustement à un ressenti.

On observe que l’état cérébral lié à un apprentissage différentiel et donc perceptif est très proche de celui atteint par des personnes avancées en pratique méditative. En d’autres termes, on apprend à rester dans l’instant présent, caractéristique souvent avancée par des joueurs comme déterminante sur les greens, sans attente particulière du résultat autre que de suivre son ressenti. Plus de perturbations liées à des considérations mécaniques, mais une attitude d’acceptation qui renforce le processus perceptif.

J'aime particulièrement ce passage

Néanmoins , lorsqu'un amateur de club français prends une leçon de putting ( ce qui est déjà " rare " ) avec le pro du club , l'enseignement est basé quasi exclusivement sur la mécanique du geste . Chercher l'erreur

Framboisine a écrit:

LJ a écrit:Pour comprendre ce paradoxe il faut se plonger un instant dans l’analyse de la performance d’un point de vue psychomoteur. La performance est le résultat d’un processus de traitement de l’information qui tient compte du ressenti du joueur à un moment donné pour trouver la bonne combinaison de vitesse et d’orientation dans une certaine visée. Pour prendre un exemple concret, un joueur peut parfaitement en fonction de ses ressources du moment ressentir une visée à droite du point qu’il faudrait théoriquement viser en modifiant son stroke et rentrer le putt. Des processus identiques de compensation existent aussi dans la gestion des pentes par rapport à un ressenti de vitesse, le joueur ne prend pas la « bonne ligne » mais le putt rentre.

Le « ressenti » est plus fort que la « mécanique » car le cerveau analyse que c’est cette solution là qui est la plus performante en fonction des ressources du joueur à ce moment-là pour réussir.

Les mêmes fluctuations existent dans le déclenchement et le déroulement du mouvement, tel muscle, telle articulation, tel segment du corps...

On peut comprendre la tentation de chercher à réduire les fluctuations d’ordre mécanique ou gestuel, souvent avec le support technologique pour imposer tel cheminement du putter, tel arc, tel plan, tel angle de frappe, mais aussi tel muscle, tel mouvement.. et répéter le plus possible pour automatiser la réponse.

Mais on peut aussi accepter les fluctuations pour les rendre conscientes, dans une approche basée sur un apprentissage des perceptions. Une démarche à première vue plus compliquée mais qui avec les bons outils s’avère incontournable car obéissant à la nature humaine et qui favorise ce qu’on appelle le feedback, ou le retour d’information. Ce que les chercheurs en neuroscience appellent parfois l’apprentissage différentiel. Pour faire simple, le cerveau ne peut percevoir une information qu’à partir d’une différence. Ce n’est plus la répétition qui a de la valeur, mais l’ajustement à un ressenti.

On observe que l’état cérébral lié à un apprentissage différentiel et donc perceptif est très proche de celui atteint par des personnes avancées en pratique méditative. En d’autres termes, on apprend à rester dans l’instant présent, caractéristique souvent avancée par des joueurs comme déterminante sur les greens, sans attente particulière du résultat autre que de suivre son ressenti. Plus de perturbations liées à des considérations mécaniques, mais une attitude d’acceptation qui renforce le processus perceptif.

J'aime particulièrement ce passage

Néanmoins , lorsqu'un amateur de club français prends une leçon de putting ( ce qui est déjà " rare " ) avec le pro du club , l'enseignement est basé quasi exclusivement sur la mécanique du geste . Chercher l'erreur

C’est précisément ce sur quoi je souhaite attirer l’attention !

Est-ce que la mécanique n'est-elle pas importante pour les putts courts ( entre 1 et 3 m ) ?

Est-ce que le ressenti est nécessaire car les conditions ne sont jamais "régulières" sur les putts longs ? La pente n'est jamais un simple plan incliné, la roule varie légèrement d'un green à l'autre ( terrain plus ou moins sec, surface plus ou moins écrasée par les marques de pied, etc.. ).
Et donc cette légère variation des conditions d'un green à l'autre ( le même jour sur le même parcours ) nous obligerait à ressentir la bonne combinaison vitesse / ligne sur une surface jamais totalement équivalente ?

Je le trouve exceptionnel cet article